Lorsque j’ai traversé la frontière Pérou-Bolivie au niveau du Lac Titicaca, je n’avais qu’une hâte : descendre du bus pour prendre le bateau et approcher la rive de l’Isla del Sol. Autrefois nommée Isla Titikaka (carrément), l’île est le berceau de la culture inca dans la région. Il s’agissait d’un sanctuaire inca, dont on retrouve aujourd’hui encore des ruines un peu partout sur l’île. C’est elle qui a donné son nom au lac et on dit qu’elle a vu naître le fils du Soleil.
L’Isla del Sol, un véritable poème
C’est donc un lieu chargé de légendes. A cela vient s’ajouter le fait qu’il offre des paysages magnifiques, probablement parmi les plus beaux du monde, et un sentier de randonnée plutôt varié, entre mer, ciel, pierres et champs. C’est sans doute l’un des endroits les plus enchanteurs que j’aie pu admirer lors de mon voyage en Amérique du Sud. L’eau d’un incroyable bleu y embrasse le ciel et chaque bande de terre chevauche amoureusement les reflets argentés du plus grand lac andin. Les montagnes escarpées y côtoient les champs peuplés d’ânes et d’alpacas.
Au soleil couchant, l’île prend des airs de fjords scandinaves, lorsque le soleil argenté s’échoue, langoureux, derrière les sommets enneigés sur la lointaine rive du lac. Les paysages de l’Isla del Sol sont les vers d’une poésie inca, que viennent ponctuer les ruines d’anciens temples et sépultures ancestrales.
Pourquoi j’ai abrégé le séjour sur l’Isla del Sol
Pourtant, mon cœur est partagé quant à l’expérience vécue sur l’Isla del Sol. Malgré toute la beauté contenue là-bas, le point noir reste et restera le type de relation instaurée par le tourisme de masse avec les habitants de l’île, à laquelle je ne m’attendais pas. Sur cette île du Lac Titicaca comme sur les autres (côté péruvien aussi), tout visiteur semble être perçu comme une bourse à bolivianos ambulante. On ne lui parle pas, on le sert – et si on peut éviter de lui sourire et de le faire se sentir à l’aise, c’est encore mieux. Je ne parle même pas des yeux des femmes boliviennes qui lancent des éclairs tout en essayant de vendre des étoffes made in China sur le bord des sentiers de village.
Cela dit, je ne blâme pas les habitants de l’île : il n’y a rien de pire et plus irrespectueux qu’un touriste qui croit pouvoir tout acheter avec de l’argent. Et il y en a. Mais, tristement, il n’y a rien de pire pour un voyageur qu’être accueilli par un tel mépris de l’étranger et une volonté affichée de lui faire sentir qu’il n’est pas le bienvenu – tout en essayant de lui prendre le maximum d’argent possible (par exemple, il faut payer 3 fois à 3 communautés différentes pour faire le tour de l’île à pieds, quelque chose qu’on ne vous dit pas du tout avant de prendre le bateau).
C’est cette atmosphère de défiance qui finira par être pesante et avoir raison de mon enthousiasme sur l’Isla del Sol. Au lieu d’y rester deux nuits, j’ai décidé de m’en échapper au bout de 24 heures. J’ai beaucoup regretté les paysages grandioses, debout au sommet culminant de l’île, mais je ne pouvais pas supporter les enfants qui passaient pour demander de l’argent à chaque fois que je prenais en photo un animal (en liberté, au demeurant).
Vers quel tourisme allons-nous ?
Quelle conclusion pour cet article ? Eh bien, à vrai dire, un questionnement. J’ignore s’il faut continuer à alimenter un système aussi rétrograde, qui a cours dans bien d’autres endroits que sur l’Isla del Sol (le tourisme développe vaguement l’économie de l’île mais entretient une haine de l’étranger chez ses habitants), au nom de la beauté de l’endroit – ou s’il faut désormais s’engager dans une tourisme plus responsable, plus humain, plus ouvert, moins condescendant et pour cela sacrifier notre bon plaisir… ce sera un paysage magnifique en moins à admirer, de l’air frais en moins à respirer, un poème en moins à ressentir, mais pour tous les voyageurs qui décideront de ne plus entretenir ce système, existera t-il un développement plus positif pour les relations entre les peuples à l’avenir ?
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